D'énormes manifestations contre la réforme des retraites de Macron
Wednesday, 08 February 2023 20:28texte original publié dans COR Argentina
Mardi 10 janvier, le gouvernement français a annoncé un projet visant à faire passer l'âge de la retraite de 62 à 64 ans et à exiger 43 années de cotisation à partir de 2027. La colère a explosé dans les rues, avec trois jours massifs de protestation, qui vont se poursuivre.
Le redistributionnisme impérialiste : prendre aux travailleurs pour soutenir les capitalistes
Emmanuel Macron était conscient de l'antipathie que susciterait ce que l'on a appelé en France "la mère de toutes les réformes" et c'est pourquoi il a retardé l'annonce qui était préparée pour décembre. Il tente à tout prix de montrer que cette réforme est dans l'esprit de la justice sociale, en arguant que le système redistributif doit être "équilibré", en faisant cotiser les actifs plus d'années et plus longtemps au cours de leur vie. L'idée n'est pas nouvelle, en 2014 le "socialiste" François Hollande avait déjà fait voter une loi pour augmenter les années de cotisations à partir de 2030, que Macron propose maintenant d'avancer à 2027. Nous avons déjà entendu le FMI appeler à une baisse des pensions en raison du "risque que les gens vivent plus longtemps que prévu" (GFSR 2012).
Le gouvernement défend le projet en affirmant que l'âge de la retraite en France est l'un des plus bas d'Europe. Les mensonges capitalistes ne peuvent plus cacher le soleil avec une main. La vérité est que l'impérialisme français n'échappe pas à la tendance générale de la décadence capitaliste et, plongé dans plus d'une décennie de crise économique, sociale et d’échafaudage institutionnel national et supranational (UE), ajoutée aux conséquences économiques de la pandémie et de la guerre en Ukraine, il met à nu son véritable caractère réactionnaire. Si l'État-providence et la redistribution des richesses en vue de l'équité sociale ont été, dans l'après-guerre, la bannière de cet impérialisme pour dominer, sur l'exploitation des travailleurs de la métropole, des semi-colonies et des colonies, il n'y a maintenant aucun moyen de le maintenir. Macron prétend défendre la redistribution, en s'attaquant aux travailleurs et à leurs conditions de vie, afin de soutenir les capitalistes et sauver leurs profits de la crise. La réponse des travailleurs ne s'est pas fait attendre et les syndicats réagissent en préparant "la mère de toutes les batailles".
19 et 31 janvier, 7 février, les protestations se poursuivent
Macron fait le pari que la réforme des retraites sera adoptée rapidement, mais, pour la faire passer au parlement, il a besoin d'alliances faibles pour l'instant et d'au moins six semaines pour la faire passer. Sinon, il peut prendre un décret, ce qui aggraverait la crise politique au milieu d'un processus de masses, et confrontant la classe ouvrière et le prolétariat industriel. Ces trois premières journées de mobilisations ont dépassé les deux millions de manifestants dans tout le pays, dans ce qui a été jusqu'à présent la journée de pointe du 31 janvier. Mais ce ne sont pas les premières mobilisations de masse auxquelles Macron est confronté ; lors de son précédent mandat, les gilets jaunes ont déclenché un raz-de-marée de manifestations de rue. Ce qui est distinctif cette fois-ci, c'est que le mouvement ouvrier est à nouveau au centre de la scène.
Face à ce phénomène, qui en est venu à être comparé aux luttes historiques de 1995 contre le "plan Juppé" de privatisations, un important processus de politisation et de délibération a lieu au sein de la classe ouvrière. Même si la question de la retraite est loin, une nouvelle génération de travailleurs fait la grève et manifeste parce que le coût de la vie frappe de plus en plus fort dans une puissance impérialiste en déclin. Et il n'y a pas d'amélioration immédiate en vue, bien au contraire. Ce mois-ci, il y aura des augmentations des tarifs du gaz et de l'électricité.
Il est clair que la bureaucratie syndicale qui appelle à l'"unité" lors des journées de protestation et qui dirige les principales centrales syndicales cherchera une issue au sein de l'ordre bourgeois. Toutefois, il n'est pas exclu qu'ils soient débordés. Depuis l'été (en Europe), on assiste à d'importants processus de lutte, notamment dans l'industrie pétrolière et les services de transport. Mais les récentes mobilisations dans l'industrie automobile ont également eu un soutien important, aussi que chez les enseignants et des étudiants de différents niveaux d'enseignement, etc. Cela met à l'ordre du jour la tâche de récupérer les syndicats et d'élargir leurs fonctions, avec un programme de transition qui attaque les bases de l'ordre bourgeois. C'est une perspective à proposer aux centaines de délégués et de militants d'avant-garde qui émergent dans le feu de ces luttes. On doit pousser des Comités d'action dans chaque région, avec des délégués votés dans leurs unités de production, afin de préparer une véritable grève générale, en appelant à la solidarité avec tous les travailleurs de l'UE, des colonies françaises et du prolétariat britannique, qui vient de faire de grandes grèves. Notre objectif ne doit pas s'arrêter à l'arrêt de la réforme de Macron, mais à l'intervention indépendante du prolétariat européen dans la guerre en Ukraine, pour arrêter l'offensive impérialiste de l'OTAN et vaincre la restauration de Poutine.
Pour une direction révolutionnaire
C'est dans ce scénario brûlant que se pose l'urgence de régler la question de la crise de la direction révolutionnaire du prolétariat, non plus pour proposer une issue à la France, mais pour ouvrir une perspective mondiale de renversement du capitalisme décadent.
La gauche française - et par là on veut dire les courants qui n'ont pas été assimilés au régime impérialiste, comme l'ont été le PS et le PC - a traversé crise après crise et en affronte maintenant une autre. Le NPA, un parti "anticapitaliste" qui a été fondé sur la base de différents courants issus du trotskysme centriste de l'après-guerre pour constituer une organisation "large" avec un programme suffisamment lâche pour accueillir diverses lignes politiques en son sein (rappelons qu'à sa fondation, ils ont éliminé la dictature du prolétariat du programme), vient de subir une nouvelle rupture par un secteur disposé à rejoindre la France Insoumise, de l'ancien militant du Parti socialiste et fondateur du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui s'est positionné comme une figure publique électorale de la gauche parlementaire. Malgré cela, diverses tendances, internes ou externes au NPA, envisagent de discuter de la nécessité de créer un parti révolutionnaire.
Sans aucun doute, la question de la direction est essentielle pour que la situation évolue de manière révolutionnaire. C'est pourquoi il est fondamental d'ouvrir une discussion programmatique face à l'ensemble de l'avant-garde ouvrière afin de développer cette perspective. Parmi les débats qui surgissent ces journées-ci, il y a : "comment continuer ? comment gagner ? comment imposer une stratégie ?".
De notre côté, le COR, on veut apporter notre vision. La classe ouvrière ne peut pas attendre que les colonnes capitalistes tombent de leur propre poids, et encore moins les remplacer par de "nouvelles" institutions bourgeoises "démocratiques". Le défi pour le prolétariat et son avant-garde est de mettre en place ses propres institutions pour briser la domination capitaliste. Il est nécessaire de devancer les plans impérialistes - qui, face à l'impossibilité de coopter économiquement, tenteront de le faire politiquement en générant de nouvelles médiations - en brisant la volonté de l'ennemi et, sur cette base, de construire la direction révolutionnaire internationale. Les courants de gauche persistent à considérer le Programme de transition comme un moyen de faire pression sur l'État ou de formuler des exigences à son égard. De cette façon, ils ne pourront pas sortir du fétichisme démocratique et éloigneront l'avant-garde des tâches de préparation des étapes de la dictature du prolétariat. C'est pourquoi le Programme de transition ne vise pas à "désorganiser la bourgeoisie" sur le terrain du régime politique - même s'il intègre des revendications démocratiques - comme le croient les centristes, mais la conception de la désorganisation est dans la production et, à partir de là, se formera une nouvelle direction ouvrière qui pourra prendre en main la tâche de détruire l'État bourgeois et d'instaurer un État de transition avec une économie planifiée.
Notre courant accepte le défi proposé par Trotski : compléter le programme et le mettre en action. Cela implique de collaborer, de récupérer et de complexifier la méthode d'analyse des tendances impérialistes et les tâches des révolutionnaires, pour surmonter la crise de la direction révolutionnaire mondiale et la reconstruction de la Quatrième Internationale. Le Programme de transition est le programme d'action de l'ingérence de l'État ouvrier dans la société capitaliste. Dans cette transition s'inscrit la révolution mondiale et la dictature du prolétariat mondial.
De notre courant, le COR, et le courant international dont ont fait partie, le TRCI, nous réitérons notre appel à tous les courants qui revendiquent la lutte pour la dictature du prolétariat et la refondation de la Quatrième Internationale à préparer une Conférence Internationale pour discuter et mettre en œuvre les tâches que cette période nous impose.